Compte rendu atelier "Décroissance et Agriculture durable"
à Trasrieux - 10 septembre 2005


La ferme de Trasrieux sur la commune de Saint Julien le Petit constitue le GAEC* "Champs Libres" (*un regroupement de plusieurs agriculteurs).


La visite du matin (avant l'atelier) fut l'occasion de découvrir une ferme dans laquelle on cherche à préserver les équilibres de l'éco-système tout en développant une agriculture favorisant l'emploi équivalent à 6 temps pleins -  Photo : ce fumier qui sent aussi bon que l'humus de la forêt constitue le maillon centrale d'une agriculture biologique basée sur la biodynamie.


Le développement de l'agriculture biologique doit se compléter par un souci d'ouverture aux autres questions de société. C'est le pari que fait Champs libres...Cette grange restaurée a servie de lieu de rencontre pour le Forum Social Limousin et constitue un espace propice pour des évènements culturels.

Compte-rendu de la réunion du 10 septembre 2005 sur l'agriculture paysanne

Une quinzaine de personnes étaient présentes le matin lors de la visite commentée par Jean-Luc de Champs Libres (et pour partager l’excellent repas qu’ils avaient préparé). L’après midi, ce furent 22 personnes qui participèrent aux travaux d’atelier, dont les principales informations et décisions sont rassemblées dans ce compte-rendu (merci à Jacqueline et à Yvan pour leur travail de prise de notes et de synthèse).

Présentation générale (Freddy le Saux)

Freddy est satisfait de la visite du matin ; il estime cependant que le terme durable nécessite une explication. L’empreinte écologique est un outil important, permettant de calculer la superficie de la terre nécessaire à une personne pour subvenir à ses besoins. Une empreinte écologique soutenable est inférieure à 2 hectares ; au-delà, le capital planétaire est attaqué. Un autre outil est l’indice de développement humain (IDH) qui prend en compte (entre autres) l’espérance de vie, le niveau d’éducation et le revenu, il est noté de 0 à 1. Avec ces deux outils on construit le graphique suivant :

On peut notre que pas un seul pays ne se trouve dans la seule case (en haut à droite) où tout le monde devrait être : celle d’une économie soutenable avec un haut niveau de développement humain.

Les pays riches ont un IDH élevé mais leur empreinte écologique est trop forte.

Les pays pauvres ont une empreinte écologique correcte mais leur IDH est trop faible.

L’enjeu est que tous les pays "suivent les flèches rouges" pour arriver à un IDH élevé mais avec une empreinte écologique faible.

La tâche sera plus aisée pour les pays pauvres quoiqu’ils aient tendance à progresser suivant la flèche rouge, dépassant ainsi une empreinte écologique soutenable.

L’évolution pour les pays riches nécessite un véritable changement de civilisation, une "révolution culturelle". La notion de développement, fondamentale dans notre société ne prend pas en compte les limites de la nature. Un rapport de 1350 chercheurs de l’ONU montre que nous sommes à 20% de prélèvements au-dessus du soutenable. L’agriculture biologique n’est pas exempte de ces errements, comme l’utilisation importante de lithothamne (algue "calcaire" poussant au large des Glénans) chez les adeptes de la méthode Lemaire et Boucher ou l’importation par avion d’oranges biologiques d’Israël ... ou d’ailleurs.

On arrive nécessairement au réchauffement climatique qui recouvre toutes les activités humaines, chaque individu étant également responsable.

Les solutions ne sont pas techniques et elles sont globales. Si les Européens diminuent par quatre leurs émissions de gaz à effet de serre sans que la Chine ou les USA en fassent autant, le résultat sera nul.

Le cheminement intellectuel est difficile pour dépasser l’idée de développement. Les générations actuelles sont nées avec le pétrole facile et avec la technique pour résoudre tous les problèmes.

Pour atteindre l’objectif d’une empreinte écologique soutenable, il va falloir un changement de mode de pensée, d’alimentation, de façon de travailler, de rapport à l’argent : les notions de croissance et d’augmentation du pouvoir d’achat doivent être battues en brèche.

Nous avons des marges de manœuvre. C’est nous qui faisons tourner la machine et qui pouvons arrêter de jouer le jeu. Nous pouvons nous passer de voiture individuelle, avoir une maison de taille raisonnable, acheter de la qualité, privilégier l’économie locale.

La solution ne viendra pas directement des politiques qui sont formés à l’école du développement. Les idées avancent par réseaux, comme une bulle autour de soi qui grossit et rencontre d’autres bulles...

L’agriculture est prise dans le même mouvement de folie. Le modèle alimentaire européen ne permet pas de nourrir 6 milliards d’êtres humains.

 

Agriculture limousine (Philippe Babaudou)

Il nous donne une vision de l’agriculture limousine en tant que paysan et responsable syndical. C’est une agriculture spécialisée à 80% en élevage bovin et ovin. La spécialisation a tendance à s’accroître, même si elle n’est pas encore aussi intensive que dans d’autres régions. Les surfaces exploitées sont en herbe et en polyculture pour l’alimentation animale ; la tendance est à l’abandon de cette polyculture.

Le poids des paysans dans la population active est plus important que dans d’autres régions, mais les revenus sont plus faibles. L’évolution est identique à celle des autres régions mais plus lentement. Le nombre de truies et l’étendue des surfaces céréalières étaient plus importants au début du 20ème siècle que maintenant. On assiste à l’abandon de la diversité et à une perte des savoir-faire.

L’agriculture limousine est en situation de grande dépendance, à la fois pour ses exportations (départ des veaux vers 8-9 mois pour l’engraissement en Italie) et pour ses importations (céréales, soja). Elle est fragile dans le cadre de la mondialisation. Depuis 2003, la production bovine insuffisante en Europe nécessite des importations du Brésil et de l’Argentine. Ceci entraîne une baisse des prix malgré les coûts dus aux transports qui ne sont pas pris en considération. Les agriculteurs essaient d’augmenter la taille de leurs exploitations, le nombre d’agriculteurs diminue et la pression sur le foncier augmente (il est plus facile de trouver 80 ha pour s’agrandir que 20 pour s’installer).

L’agriculture est dépendante des primes octroyées par l’Europe.

Pour arrêter cette évolution, il apparaît nécessaire de relocaliser la production et la commercialisation ( vente directe, magasin de producteurs...) et de développer d’autres types de productions.

 

Etude sur l’agriculture limousine et propositions (Emmanuel BAILLY)

L’étude part de l’évolution des productions agricoles en Limousin entre 1970 et 2000. Beaucoup de productions ont diminué ; la pomme de terre est passée de 7 400 ha à 300 ha, les fruits de 4 200 ha à 2 400 ha (et avec une hyperspécialisation en pommes), les légumes de 6 300 ha à 300 ha (8% d’autosuffisance seulement). Le nombre d’exploitations a considérablement baissé : entre 1970 et 2003, ce sont 29 300 exploitations qui ont disparu, soit 2,5 exploitations par jour !

Les surfaces fourragères ont diminué de 8 600 ha, les céréales de 59 200 ha mais l’enrubannage a augmenté et le maïs pour l’ensilage est passé de 4 100 ha à 27 700 ha. Les troupeaux passent en général l’année en extérieur, souvent au même endroit ; les sols se dégradent, la pollution des eaux augmente. C’est donc une véritable dérive de la filière bovine que l’on peut observer.

Le Limousin, qui est une région à vocation agricole, est pourtant totalement dépendant pour son alimentation : 10% seulement de sa consommation alimentaire est produite dans la région !

L’étude propose ensuite une organisation pour retrouver la souveraineté alimentaire au niveau de la région, basée sur le concept d’Ecorégion (pour plus de renseignements sur ce concept, les internautes peuvent consulter ces pages web : http://www.objectifbio2007.com/act_env11.php3 ; http://action-environnement.monsite.wanadoo.fr/page7.html ; http://bailly-emmanuel.monsite.wanadoo.fr/page8.html)

La satisfaction, localement, des besoins de la population permet de créer 10 000 emplois directement et 24 000 indirectement.

Il faut pour cela redevenir maître de son territoire, choisir ses productions, ne plus dépendre de subventions pour telle production aux dépens de telle autre.

Il est également nécessaire de se réapproprier le foncier, il faut sortir l’agriculture du domaine exclusivement privé pour permettre la continuité des exploitations. Des collectivités pourraient acheter les terrains mais il faut  une volonté politique ; le Schéma Régional de Développement Economique (SRDE) en cours d’élaboration ne prend pas en compte cet aspect. La Région n’a pas été intéressée par le projet.

 

Echanges entre les participants

Il faudrait passer du droit de propriété au droit d’usage. Une réflexion existe en Allemagne pour associer des particuliers au partage du foncier par prise de parts dans des sociétés civiles immobilières par exemple. Les associés peuvent aussi partager les prises de décisions.

La Chambre d’Agriculture participe au SRDE ; ses propositions sont à l’opposé de nos souhaits. Des mesures incitatives seront prises pour développer une agriculture industrielle compétitive.

Les prix bas proposés aux consommateurs par l’agriculture industrielle sont artificiels ; ils n’intègrent pas les externalités négatives qui sont prises en charge par les impôts (porc breton par exemple). Une production de qualité n’est pas forcément possible au même coût que la production industrielle ; les prix pratiqués doivent être rémunérateurs pour le producteur. La part de la nourriture a considérablement baissé dans le budget des ménages, elle est d’environ 17%, mais elle est sans aucun doute appelée à augmenter dans l’avenir.

Une belle réflexion avancée durant le débat : le réchauffement climatique n’est-il pas la conséquence d’un refroidissement humain ?

Actions

Plusieurs actions sont envisagées dans le cadre de cet atelier :

> Intervention dans le cadre du SRDE :

- la Confédération Paysanne est reçue par la Région

- il faut aussi faire connaître les propositions du FSL

> Info du public :

- dans le cadre de la campagne Alimenterre et de son marché le 1er octobre, place de la Motte à Limoges

- réalisation d’un tract (Christophe, Emmanuel, Guillaume, Jacqueline)

- réunion le jeudi 15 à 18h à la MDH (compte-rendu succinct en post-scriptum)

> Réforme de la PAC

- questions sur l’avenir de l’agriculture industriel par rapport à la fin du pétrole

> Assises de l’agriculture limousine

- avec qui ? associer la Région

- en direction de qui ? spécialistes, grand public

- conception d’un programme à présenter à la Région (Christophe, Freddy, Emmanuel, Philippe, Jean-Luc...)

- réunion début octobre, à définir.

 

Prochaine réunion de l’atelier

            - samedi 22 octobre, de 14h00 à 17h00

            - Salle de réunion à Peyrat-Le-Château (qui sera précisée lors de l’envoi de l’invitation à la prochaine réunion courant octobre)

PS : réunion du 15 septembre pour le tract de la campagne Alimenterre.

Le tract est en cours de rédaction, il sera présenté pour validation aux structures partenaires de cette opération. Il sera distribué lors du marché Alimenterre place de la Motte à Limoges le 1er octobre. L’objectif est de créer un premier temps d’information en direction du grand public, et « préparer le terrain » des étapes suivantes que sont la présentation dans le cadre du SRDE d’une proposition détaillée (courant novembre ?), puis l’organisation des Assises (deuxième quinzaine de janvier ?). Si le tract recueille un écho favorable, on peut décider d’en tirer plusieurs milliers d’exemplaires sous un format soigné (qualité imprimerie, en couleur, sur papier glacé) et le diffuser très largement.

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